Le génocide commence le 7 avril 1994. L'inconcevable boucherie gagne rapidement le pays entier. Presque toute la famille de Marie-Josée Gicali est aussitôt tuée, mais cette dernière réussit à échapper au massacre, ne devant sa survie qu'à d'invraisemblables concours de circonstances. Grièvement blessée mais soutenue par des amis, elle survit pendant des semaines dans un état d'hébétude totale. Plus tard, elle retrouve un parent, miraculeusement épargné. Après l'hécatombe, la vie reprend peu à peu ses droits dans un Rwanda dévasté. Marie-Josée s'y démène pour subsister d'un jour à l'autre. Un programme d'études à l'étranger lui donne la chance de refaire sa vie ailleurs, au Québec, où elle vit aujourd'hui depuis 20 ans. Le récit ne plonge pas d'emblée dans le drame, mais nous y prépare en offrant une mise en contexte de la vie au Rwanda et du quotidien de la famille de l'auteure avant le déchaînement des violences. On découvre ainsi que la tragédie survenue en 1994 couvait depuis déjà plusieurs décennies, ses racines remontant à l'invention pure et simple - par les colonisateurs - de deux « races », les Hutu et les Tutsi qui, à l'origine, étaient de simples groupes sociaux. Un témoignage à la langue sobre qui rend avec émotion l'incompréhension de la haine et de la cruauté que des êtres humains ont exercées contre leurs semblables, ce printemps-là, au Rwanda.
«Je m'appelle Marie, et je ne connais que l'ordinaire, car jusqu'ici je n'ai pas eu le courage du reste. Mais l'ordinaire, lorsqu'il est enrichi par les années, devient parfois bombe à retardement.»
Marie a de la chance. Elle a tout. Du moins en apparence. Un jour, l'effervescence des studios de télévision et sa situation enviable ne lui suffisent plus. Elle ne peut plus supporter cette existence. Cette incorrigible recherchiste s'attaque alors à son dossier d'enquête le plus important : sa chute, et peut-être celle de tant de femmes de sa génération. La famille, la vie professionnelle, toute cette technologie qui la submerge ; pour comprendre, Marie ne ménage aucune strate de sa réalité, allant même jusqu'à fouiller dans les fibres du Québec, pays où elle est née. Portée par ses découvertes, elle tente d'apprivoiser la vraie vie. Sa vraie vie. Libre de ses domestications.