En quatre décennies, les jeux vidéo sont devenus une des premières industries culturelles mondiales. La révolution numérique et la connexion des jeux ont accéléré leur diffusion et leur impact culturel. Véritables mondes virtuels, ces jeux sont habités par des avatars mus par des joueurs intensifs. Cette dynamique d'intégration croissante et forte du numérique au coeur du social interroge nos humanités en devenir. On assiste, selon certains, a` la montée en puissance « d'accros de masse » aux nouvelles technologies, voire à ces mondes d'un nouveau continent, le continent virtuel. Cette dépendance est celle aux GSM, toujours a` proximité de nous et sans lesquels nous ne pouvons plus vivre, ou à travers le nombre d'heures incommensurable passées à jouer en ligne.
Alors que signifie cette pratique intensive ou excessive du digital en ce compris des jeux vidéo ? Est-ce une mutation d'une humanité connectée et réticulaire ? Est-ce un nouvel opium de peuple qui permettrait de vivre dans monde injuste et atone ? Ce livre tente de donner des réponses à ces questions en analysant l'émergence des pratiques numériques et celle des imaginaires sous-jacents.
Les figures de Geeks ou No Life s'invitent quotidiennement dans les médias, à l'école ou dans les échanges familiaux. En passe de devenir le premier loisir domestique à travers le monde, le jeu vidéo marque une rupture culturelle et générationnelle majeure. Dans ce kaléidoscope ludique, les jeux en ligne massivement multijoueurs font figure de symboles de cette vie connectée émergente. Ils fascinent autant qu'ils inquiètent. Désocialisation, enfermement, addiction, sont quelques-unes des nombreuses critiques adressées à ces univers digitaux. Mais c'est leur méconnaissance qui est souvent la source de ces inquiétudes et fonde ces représentations angoissantes.
Pierre Bourdieu est plus connu pour son oeuvre sociologique que pour ses prises de position épistémologiques. Si on lui accorde volontiers une certaine habileté théorique, on ne lui reconnaît aucune compétence particulière en matière d'épistémologie des sciences sociales. Prenant le contre-pied de ces critiques, l'auteur montre la cohérence épistémologique du travail du sociologue.
Pour aborder les diverses formes que peut prendre la mort dans les jeux vidéo comme un phénomène unitaire que, faute de disposer comme en allemand du neutre (das Tode, « ce qui est mort ») ou de pouvoir inventer un terme spécifique, nous nommerons simplement : la mort, nous retenons trois lignes de force qui sont autant de pistes de lecture. Nous les donnons ci-après en ordre croissant d'importance. Il faut, disons-nous, préciser le rôle des jeux vidéo en tant que spectacles mettant en scène ce phénomène. Leur existence est certes encore trop récente et leur évolution trop rapide pour qu'il soit possible d'établir à leur sujet un bilan définitif. Tout ce qui va suivre n'a donc qu'un caractère provisoire, voire hypothétique.
La première ligne de force remonte à l'origine des jeux. Elle a trait à l'effet moral et/ou psychologique exercé sur de jeunes joueurs par la violence mortifère. La seconde incline à voir dans les jeux, préalablement resitués dans le contexte plus global d'une culture de la mort maintenue, le possible reflet de certaines angoisses mortifères de la société actuelle. Quant à la dernière, d'ordre purement technique, elle consiste à souligner deux points dans les jeux vidéo : une visualisation renforcée et, ceci découlant de cela, le nouveau rôle conféré au joueur, passé du statut de spectateur à celui d'acteur. Si les deux premières lignes de force restent sujettes à débat ou demandent à être confirmées, la dernière repose en revanche sur un fait nouveau.