Jézabel Thevanaz, jeune professeure de mathématiques, doit quitter les cimes paisibles de la Haute-Savoie pour se rendre au Canada. Son père, ancien pasteur et horloger amateur, lui a fait jurer, sur son lit de mort, d'aller porter à un ami au Québec la montre qu'il a conçue. Une pièce unique dont la caractéristique n'est pas de donner l'heure mais de détruire le temps.
Alors que Jézabel survole le Groenland, l'avion est pris dans une effroyable tempête. Forcé de dévier sa trajectoire, l'appareil se pose dans un aéroport de fortune, perdu au nord des Etats-Unis. Il fait nuit noire, la neige, épaisse et lourde, tombe drue. Résignée, la jeune femme trouve refuge au Plazza : Un vieil hôtel aux proportions immenses, tortueux comme une cathédrale. Brisée par la fatigue, Jézabel y loue une chambre, croyant pouvoir repartir dès le lendemain. A son réveil, le cauchemar commence. On lui annonce qu'elle n'a pas séjourné au Plazza pendant un jour mais... un an!
Parviendra-t-elle à retrouver la liberté ? La supportera-t-elle ? Aura-t-elle vraiment été cloitrée un an, une nuit ?
Le lecteur n'en sait pas plus que le personnage, perdu dans cet univers d'inquiétante étrangeté.
C'est l'histoire d'un enfant à la santé fragile, né après guerre et envoyé aussitôt dans un village d'Autriche pour soigner ses poumons. Sous la neige, il chante la gloire de Dieu et baragouine un patois allemand. Chaque soir, sous le regard aimant de sa mère, le chérubin prie le Seigneur pour qu'il provoque la mort de son père. « Rien de plus difficile que d'être père : héros, il écrase de sa gloire ; salaud, de son infamie ; ordinaire, de sa médiocrité » : le père est ici un mari violent et pervers qui bat sa femme et l'humilie, un obsessionnel antisémite et raciste, dont le fils va tout faire pour devenir le contre-modèle (« Je suis sa défaite »). Il sera l'élève de Jankélévitch et de Barthes, le meilleur ami d'Alain Finkielkraut ; classé parmi les « intellectuels juifs » auxquels il s'identifie sans l'être, il aimera des femmes aux racines lointaines, sera un père aimant, un écrivain reconnu. Dans ce récit puissant, véritable « roman des origines », Pascal Bruckner raconte sa filiation personnelle et intellectuelle, nous offrant ainsi le sésame de son oeuvre entière.
De la neige des premières pages aux ordures parmi lesquelles son père finira son existence, de la violence de ses mots à la rage teintée d'amour qu'il lui portera, on retrouve ici le théâtre de la cruauté d'un écrivain, incarné et expliqué par son acteur central, ce nazi pathétique, écolo fanatique, Ogre colérique, Petit mari aux côtés duquel, malgré tout, Pascal restera toujours, en Bon fils. Car derrière le mépris, la rage, ce récit est l'aveu à demi-formulé d'un amour impossible, un Tombeau d'effroi et de pardon.
Paris, week-end du 15 août, au service psychiatrique de l'Hôtel-Dieu. Un homme au visage dissimulé par un masque antipollution est admis aux urgences. Mathilde, une interne de vingt-cinq ans, jolie mais qui n'aime guère son métier, est intriguée par le cas de Benjamin. Il va lui faire une étrange confession, alors que vient la nuit... Un soir d'hiver, Benjamin et sa fiancée Hélène sont bloqués par la neige dans une maison du Jura. Jérôme Steiner, l'hôte courtois, séducteur à la crinière blanche, Francesca, sa femme, une matrone vénéneuse, et Raymond, le valet, forment le comité d'accueil. Peu à peu, s'enhardissant, Benjamin inspecte le chalet, du grenier à la cave, et par mégarde découvre le secret des lieux : un boyau humide et souterrain, d'où monte soudain un cri de détresse. Une main le saisit au col. Steiner, fulminant de rage, lui explique alors sa théorie. Ce barbe-bleu et ses complices enferment dans cette cave des êtres coupables d'un seul crime : la beauté. Horrifié, hésitant entre l'incrédulité et la panique, Benjamin se voit proposer un pacte. Contre la liberté d'Hélène, il doit revenir à Paris et livrer trois jeunes femmes aux monstres du Jura. Le piège s'est définitivement refermé sur lui. Farce macabre ou réalité ? Le Fanoir, où la beauté se dessèche comme les feuilles entre les pages d'un herbier, existe-t-il vraiment ? Mathilde subira-t-elle à son tour la fascination de ce mouroir de la jeunesse, où le temps se venge de la beauté trop passagère ?
Peut-on échapper à la monotonie du couple ? Esquiver l'ennui par l'adoration, la lassitude par l'érotisme ? Telle est la question implicite que se posent les personnages de ce roman à bord du paquebot qui, dans les derniers jours de l'année 1979, les mène de Marseille à Istanbul. Le récit que l'un d'entre eux, Franz, fait à un autre voyageur, Didier, de ses amours avec une certaine Rebecca, également présente, sert de fil conducteur à leurs interrogations. Récit dont l'enjeu caché ne manquera pas d'infléchir à son tour les relations du voyageur et de sa compagne, Béatrice, avec laquelle il part en Inde pour s'évader d'une existence d'enseignants trop bien réglée.
Double histoire et d'une déchéance amoureuse et d'un huis clos à l'intérieur d'un navire, Lunes de fiel est avant tout un roman de la cruauté. Des êtres en proie au désemploi de soi y cèdent à la fascination du bonheur dans la haine. Lunes de fiel, on l'aura compris, c'est l'autre face de notre rêve contemporain d'euphorie obligatoire, c'est la mise en scène des impasses de la vie privée dès lors qu'elle se replie sur elle-même et succombe sous le poids de sa propre frivolité.
Antonin Dampierre, la trentaine soignée, est un garçon normal. Ou presque. Il travaille dans une agence immobilière de luxe jusqu'au jour où, ratant une vente à cause de deux ivrognes, il rosse l'un deux à mort.
Illumination ! Notre purificateur commence alors sa quête hallucinée dans le Paris des nafragés où il croise la route d'Isolde. Cette héroïne de l'humanitaire parviendra-t-elle à le sauver de lui-même ?
La Maison des Anges est un polar du bitume qui nous emporte avec effroi et jubilation dans le grand ventre de Paris.
Inde du Nord, début des années 1980. De Delhi à Bombay, des campagnes du Madhya Pradesh aux plages de Goa, plusieurs personnes se cherchent et s'affrontent : un archéologue français que couve une mère envahissante ; un agronome américain cynique et brillant ; une petite mendiante de Bombay ; un professeur d'histoire de l'art à l'Université de Calcutta ; une jeune fille révoltée de la haute société bengali... Plus quelques autres, dont le narrateur lui-même, fonctionnaire français aux Relations extérieures, déchiré entre sa fascination pour l'inde et son incapacité à la comprendre.
Mais le vrai sujet des Parias, c'est évidemment l'Inde : " Mother India ". Une Inde imaginaire, fantasmatique autant que réelle, aimée autant que détestée et sur laquelle chacun projette sa peur, son enthousiasme, ses doutes ou sa colère. Une Inde dont les démesures et la misère n'effacent jamais la séduction magique, quasi merveilleuse qu'elle exerce sur tout étranger.
Sur cette terre, un homme va être l'instigateur d'un crime immense, répété, vécu comme une hallucination. Il se fera assassin par amour de l'inde, proclamant le règne d'un nouveau messie de l'Humanité, semant la mort à travers les faubourgs des grandes cités, dans une sorte de mouvement romanesque qui oscille constamment entre la folie et la tendresse, la farce et l'horreur.
Monsieur Tac est le récit d'un voyage imaginaire, une plongée dans un univers magique, celui de l'alphabet. On y voit des lettres qui parlent et agissent comme des êtres humains, des corps qui grandissent et rapetissent à vue d'oeil, des calembours baladeurs, des animaux savants, un détective qui meurt et ressuscite à volonté, tout cela raconté avec un mélange inimitable de sérieux et d'humour, en 26 chapitres, évidemment - de A à Z. En même temps, Monsieur Tac est une satire de notre culture, un démontage ironique de tout le bric-à-brac littéraire qui encombre nos cervelles, mieux : le déboulonnage de l'Homme de Lettres statufié par les Lagarde et Michard à la mode. Bref, un roman gai et brillant, sans message ni thèse.
Le soir de ses trente ans, Sébastien a une révélation : il comprend en un éclair qu'il a eu jusque là une vie réussie, mais que la réussite est une prison où il serait un condamné à perpétuité. Une femme jolie et ambitieuse, un trio d'enfants, une carrière sans surprises au Quai d'Orsay, une bande d'amis aussi soudés que s'ils formaient une société d'entraide, en bref une molle résignation au confort. Comment s'affranchir de cet esclavage du quotidien ? Comment renaître en homme neuf ? A la terrasse d'un café, une femme riche et ridée lui offre de l'argent pour passer une heure avec lui. Quel choc... C'est sans le vouloir que Sébastien devient un mois plus tard un prostitué mâle. Attiré par la perspective d'une vie parallèle, Sébastien s'établit en tapin clandestin dans le quartier du Marais, comme d'autres rejoignent une profession libérale. En bon Samaritain qui distribuerait sa semence à des créatures souvent disgracieuses, il copule avec ferveur et méthode, associant bientôt à son entreprise où le don de soi l'emporte sur le vice, une brune disciple : Dora. Juive et antillaise, sang-mêlée qu'obsèdent la chair et la religion, bigote et bimbo, mystique et lubrique, capable de cacher sous un livre de prière un vibromasseur, Dora va emmener Sébastien au-delà de ses limites. Le libertinage d'un bourgeois en rupture s'inverse en oeuvre pieuse : Dora se rêve en Christ femelle, cruxifiant son Saint-Sébastien sur la croix du plaisir. Le sublime glisse vers l'ordure. A la veille de ses quarante ans, Sébastien a tout perdu. La bouffonnerie des sens a fini en tragédie.
Mais est-il bien sûr que Sébastien n'a pas d'autres ennemis que lui-même ? Qui voudrait réduire cet apôtre du désir à l'état d'une loque asexuée ?
Depuis Lune de fiel, Pascal Bruckner n'était jamais allé aussi loin : c'est un roman charnel et moral, qui donne à l'amour tarifié l'intensité de scènes religieuses ou scabreuses, dans une volupté de détails dont l'auteur semble avoir le secret. A rebours du sexuellement correct d'aujourd'hui.
On connaît la chanson populaire : « Mon père m'a donné un mari, Mon Dieu, quel homme, quel petit homme, qu'il est petit... », mais sait-on que la plaisante ritournelle pourrait devenir réalité ; au moins chez Pascal Bruckner, amateur de conte cruel, où l'enfance perverse voisine avec l'âge adulte... Le jour de son mariage, Léon doit se hisser sur les pieds pour embrasser son épouse, la plantureuse Solange. Quoique de gabarits différents, ce couple idéal donne naissance à de robustes enfants. Etrange ! A chaque naissance, Léon perd quelques centimètres : cet avorton de la toise rapetisse inexorablement, et il a beau consulter le corps médical, rien n'y fait. Avec sa taille, ses responsabilités diminuent, son autorité s'émousse. C'est bientôt Liliput, Léon le moucheron, un corpuscule, et de père idéal il s'inverse en victime des appétits familiaux... Le microbe survit en se cachant dans la bibliothèque, bivouaquant dans de la mie de pain : la description de son calvaire permet à l'auteur des pages drôlissimes, grinçantes et cruelles à la fois ! On ne vous dira pas la fin. Tout conte a une morale.
Le jour de ses vingt-cinq ans, Balthus Zaminski, ogre de son état, promit à son valet de ne plus manger d'enfants. Cette fois, c'était la bonne, il s'amendait.
Balthus n'était pas un de ces ogres grossiers et braillards du temps jadis. Non, c'était un gentleman, un jeune homme de bonne famille qui raffolait de la grande musique, du cinéma et surtout de la mode. Hélas, le vice ancestral ne pouvait le quitter si vite et bientôt Balthus, à la vue d'un marmot et malgré son serment, se remit à saliver, à gronder, gagné par un irrésistible appétit.
Alors son domestique et tuteur l'emmena consulter des spécialistes, le confia a un professeur de yoga, lui administra des tranquillisants. Il devait bien exister un traitement capable de soigner son maître ! Mais guérit-on jamais d'être un ogre ?
Pascal Bruckner signe ici deux contes d'enfants pour adultes, entre humour et férocité.
Pascal Bruckner est l'auteur, chez Grasset, de la Tentation de l'Innocence (Prix Médicis de l'essai, 1995 ) et des Voleurs de beauté (Prix Renaudot, 1997).
Au premier étage du Palais des claques, on tire et on tord les oreilles. Au deuxième, on donne des paires de gifles. Au troisième, on met les enfants au placard. Au quatrième, les petits diables prêtent leurs pouces et leurs ongles à des adultes nostalgiques qui les sucent et rongent avec nervosité. Au cinquième, on dispense la fessée à main nue et on botte le derrière... Au huitième, on pose sur les joues des anges des baisers sonores et mouillés. Ils n'ont pas le droit de s'essuyer... Au douzième, on jette sur la peau nue des fleurs de chardon et on frotte les vauriens avec des herbes coupantes... ! Au quatorzième, on se désaltère à la cafétéria et on admire le panorama sur la capitale. Ainsi l'a décrété le Président bien-aimé, mais a-t-il mesuré toutes les conséquences de son invention ?
Allez jouer ailleurs est un roman d'aventures, un contes de fées, un voyage imaginaire dans le métro parisien. On y rencontre des ogres, des enfants, des clochards, des policiers et des savants fous. C'est l'histoire de la lutte des jeunes contre le vieillissement, du rire contre l'ennui, de la liberté contre la bureaucratie, du rêve contre la réalité. En prenant les mots à la lettre, Pascal Bruckner nous montre le coeur de Paris, il explique comment les taupes géantes devinrent des rames de métro, raconte l'aventure d'un petit groupe d'enfants emmenés sous terre par un magicien, pastiche le verbe pompeux des historiens et des sociologues, déchiffre pieusement les graffitis obscènes et détourne les règlements de la Régie. Il s'amuse et nous amuse, comme déjà avec Monsieur Tac, son premier roman, un livre " pervers, polymorphe et discrètement désespéré " (Catherine David, le Nouvel Observateur), et réussit encore un coup son cocktail inimitable où l'on retrouve " une bonne dose de Fourier, deux traits de Queneau, un semblant de Brisset, une rasade de Swift, un zeste de Borges, un rien de Cami, un doigt de Devos " (Roger-Pol Droit, le Monde).
Quels sont les fondements du catastrophisme dans lequel nous vivons ? Pascal Bruckner, philosophe et romancier, nous interpelle de façon saisissante en s'interrogeant, dans une réflexion libre, sur Le Fanatisme de l'Apocalypse. Cette formule rend compte du climat actuel de dramatisation et de suspicion lié à certaines dérives écologiques et dévoile le danger du discours apocalyptique né d'un amalgame entre science et superstition. De la « nourriture poison » aux « médicaments tueurs » sans oublier l'écologie culpabilisatrice, Pascal Bruckner examine différents domaines de notre société pour mieux comprendre ses mécanismes. Ses réflexions foisonnantes se cristallisent en une observation lucide de notre temps où règne la propagande par la peur. Un discours optimiste qui propose une alternative à la désespérance en encourageant à parier sur le génie humain, à avoir confiance en la capacité de l'homme à se dépasser. Claude COLOMBINI FRÉMEAUX
"Dans le monde classique, le mariage était un sacrement et l'amour, s'il survenait, une heureuse surprise. Aujourd'hui, c'est l'amour qui est sacré et le mariage n'en est qu'une possibilité parmi d'autres. Il a été concurrencé, en Europe du moins, par d'autres formes d'union ou de contrat. Le mariage d'inclination était supposé répondre aux défauts du mariage de raison : lieu de l'oppression de la femme par l'homme, vile entreprise commerciale, étouffoir pour les deux sexes. Mais le conte de fées ne se passe pas exactement comme nous l'avions cru : depuis les années 70, le sentiment, triomphant, ronge l'institution de l'intérieur et la délégitime. Explosion des divorces, multiplication des solitaires, choix du célibat : la passion amoureuse, dans son élan, va t'elle détruire le mariage ou du moins le relativiser ? Sera-t-il bientôt réservé à une élite de happy few qui persisteront à s'unir officiellement quand la majorité batifolera au gré de ses passades et de ses virevoltes ?" Pascal BRUCKNER
Dans la tradition historique des auteurs lisant leurs oeuvres, Gustave Flaubert dans son « gueuloir », Albert Camus interprétant L'Étranger ou Marcel Pagnol incarnant La Gloire de mon père, Pascal Bruckner nous offre une lecture sensible de son essai, qui contribue à mieux comprendre sa pensée. Claude COLOMBINI FRÉMEAUX
L'occident est-il coupable ? Le philosophe et romancier Pascal Bruckner s'interroge, dans une perspective historique, sur le sentiment de mauvaise conscience en Europe. Il nous propose une généalogie à la fois saisissante et libératrice du mythe de l'infamie de l'homme blanc. Depuis le Tiers-Mondisme du XXe siècle jusqu'à la critique anticoloniale dans les banlieues du XXIe siècle, ce mythe a érigé l'autoflagellation comme horizon indépassable de la pensée occidentale. Il faut pourtant savoir reconnaître nos réussites intellectuelles et politiques, et opposer les droits de l'homme à l'obscurantisme religieux. Tels sont les objectifs de Pascal Bruckner, qui nous prouve une nouvelle fois que, contrairement au mot de Sartre, l'Europe n'est pas « foutue ». Claude COLOMBINI FRÉMEAUX