Libres après les abolitions ? La question peut surprendre. Les abolitions du XIXe siècle ont été toujours considérées comme une rupture majeure dans l'histoire des esclavages atlantiques. L'émergence contemporaine de revendications mémorielles, souvent impulsées par les descendants des populations autrefois esclavisées, suggère, au contraire, l'existence d'un passé « qui ne passe pas ». Au-delà d'une définition juridique, l'esclavage a signifié dominations, violences extrêmes et déconsidérations multiformes. Après les abolitions, des processus ethnoculturels de racialisation comme les structures de travail ont perduré, voire se sont renforcés, et ont été complétés par d'autres facteurs d'exclusion socio-économique.
Cet ouvrage tente d'explorer les barrières dressées pour empêcher la totale émancipation des nouveaux libres et de leurs descendants, ainsi que les stratégies complexes d'adaptation que ces derniers ont mises en oeuvre pour obtenir, sinon une assimilation, du moins une intégration économique et possiblement citoyenne, à égalité. La dizaine de contributions réunies s'inscrit dans une perspective comparative et porte à la fois sur les Amériques et l'Afrique, de la fin du XVIIIe au début du XXIe siècle. Elles sont issues d'une réflexion qui a été menée dans le cadre du programme européen EURESCL-FP7 (Slave Trade, Slavery Abolitions and their Legacies in European Histories and Identities) coordonné par le Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages (CIRESC), laboratoire du CNRS. L'ouvrage fait suite à Sortir de l'esclavage. Europe du Sud et Amériques (XIVe-XIXe siècle), précédent volume de cette collection.
Des visages épuisés sur des canots en perdition. Des mains fébriles agrippant des gilets de sauvetage. Des corps lourds hissés sur des navires de secours. Nous sommes tous tombés un jour ou l'autre sur ces images de migrants repêchés à bout de force au coeur de la Méditerranée. Mais que savons-nous des circonstances qui les ont conduits à risquer leur vie en mer, des raisons de leurs départs, parfois des années plus tôt, et du déroulement de leur périple, entre mille difficultés ?
Les naufragés réunit les témoignages de plusieurs dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants originaires d'Afrique de l'Ouest, arrivés en Europe après la chute de Mouammar Kadhafi en Libye. Des confessions qui racontent les espoirs et les rêves d'une jeune génération victime de la misère, de la mal-gouvernance et de traditions oppressantes. Des récits qui révèlent les terribles pièges du chemin, entre policiers véreux et passeurs sans scrupule, mais aussi l'exceptionnelle résilience de ceux qui les ont surmontés.
Pour les Africaines originaires d'un continent riche de langues, la question du langage se situe à plusieurs niveaux. Tout d'abord, comment toucher, en Afrique, les femmes (la majorité) qui n'utilisent pas ou peu une langue européenne ? Comment, dans une perspective féministe, apprendre les unes des autres, discuter, élaborer et échanger des messages sur les questions qui affectent nos vies quotidiennes ? Comment créer les concepts et méthodes dans les langues africaines afin d'analyser et rendre compte du vécu des femmes et de leurs stratégies ? Comment créer des concepts et un langage féministes communs qui transcendent les diversités linguistiques et culturelles, en tant que locutrices du mandingue, du yoruba, du xhosa, du amharique, de l'arabe, du chinois, du français ou de l'anglais (Fatou Sow).
La coexistence du masculin et du féminin en l'universel est l'incarnation de l'égalité naturelle, une égalité par nature, une égalité en dignité qui récuse que la femme soit perçue comme un bien, comme un moyen (Aminata Diaw).
On pose trop souvent, en effet, la domination des hommes sur les femmes comme une donnée anthropologique universelle. Il apparaît au contraire qu'il convient d'historiciser cette perspective en prenant en compte la multiplicité des types de patriarcat et les crises que ceux-ci peuvent traverser : les rapports de domination sont faits de tensions, de lutte, de résistance et de compromis. Il faut également la sociologiser en l'inscrivant dans la complexité des rapports de hiérarchie, de soumission, de dépendance et d'exploitation qui lient les groupes humains, et enfin, de ce qui s'est joué et se joue encore entre le Nord et le Sud depuis les entreprises coloniales (Sonia Dayan Herzbrun).
Comme « gardiennes de la maison », les femmes emploient, à divers niveaux, différentes tactiques et stratégies pour contester les rapports de pouvoir qui existent, pour créer leur propre espace et pour développer leurs intérêts (Parvin Ghorayshi). Il faut que la loi enregistre qu'une femme, ça peut dire « je », mais, précisément, c'est sans doute dans la phrase « un enfant, si je veux, quand je veux » que le « je » d'une femme s'entend de la manière la plus audible qui soit (M. B. Tahon).
Les pays arabes ont récemment connu une série de ruptures politiques et d'évolutions sociales qui ont été l'objet de nombreuses analyses, et pourtant l'impact de ces changements sur les rapports de genre a peu été traité. Les dites « révolutions » ou « printemps arabe » en 2010- 2011, gagnent à être considérés comme des « révoltes » dans la mesure où elles n'ont pas abouti à des évolutions sociales majeures. Ce constat est particulièrement vrai dans le domaine des droits des femmes, et ce malgré une forte mobilisation de ces dernières, qui sera souvent suivie de violence. Ainsi, de symbole d'émancipation, la place Tahrîr est devenue le symbole de la violence de genre existant en Égypte.
C'est ce dont rend compte cet ouvrage qui explore plus généralement la place que les femmes occupent en contexte arabo-musulman, dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, ainsi qu'en contexte migratoire. L'approche ici développée est celle des sciences sociales, faisant essentiellement appel à l'anthropologie, à la sociologie, et au droit. Plusieurs axes liés au genre sont privilégiés : la mobilité et la spatialité, les luttes et les mobilisations féminines, les violences contre les femmes ainsi que leurs droits, la virginité et la sexualité, les nouvelles techniques liées à la procréation. Cet ouvrage questionne les changements sociaux au prisme du genre dans ces différents domaines.
Cet ouvrage porte sur l'état actuel de l'éducation dans certains pays ayant autrefois connu la Traite esclavagiste entre l'Afrique, les Amériques et l'Europe. Qu'en est-il aujourd'hui, bien après les abolitions et les décolonisations, de cette conscience que les peuples ont acquise d'eux-mêmes, et des changements de regards et de sociétés qu'ils en attendaient ?
On doit constater que l'empreinte laissée par les anciens dominants reste durablement inscrite et conditionne encore nombre de préjugés tenaces, de falsifications ou de malentendus. Cela se lit dans les programmes scolaires, mais tout autant dans la vie quotidienne, dont les besoins ou les désirs sont « éduqués » par un ailleurs.
L'originalité de cet ouvrage, grâce à la diversité de ses contributeurs, est d'exposer des champs très différents dans lesquels s'induisent encore insidieusement des formes de domination. La plupart des contributeurs - historiens, littéraires, anthropologues, juristes, sociologues, géographes - sont eux-mêmes des témoins directs de ce qu'ils analysent, étant souvent confrontés à ces savoirs et modes de vie qui prétendent façonner leurs identités.
Toutefois, il existe aussi des formes de résistance culturelle efficaces qui constituent des alternatives aux situations actuelles, par la lecture d'une autre histoire, la réappropriation des langues coloniales par les peuples et les littératures, ainsi que par une reconnaissance juridique, bien que sans doute trop lente.
En quatre décennies, les jeux vidéo sont devenus une des premières industries culturelles mondiales. La révolution numérique et la connexion des jeux ont accéléré leur diffusion et leur impact culturel. Véritables mondes virtuels, ces jeux sont habités par des avatars mus par des joueurs intensifs. Cette dynamique d'intégration croissante et forte du numérique au coeur du social interroge nos humanités en devenir. On assiste, selon certains, a` la montée en puissance « d'accros de masse » aux nouvelles technologies, voire à ces mondes d'un nouveau continent, le continent virtuel. Cette dépendance est celle aux GSM, toujours a` proximité de nous et sans lesquels nous ne pouvons plus vivre, ou à travers le nombre d'heures incommensurable passées à jouer en ligne.
Alors que signifie cette pratique intensive ou excessive du digital en ce compris des jeux vidéo ? Est-ce une mutation d'une humanité connectée et réticulaire ? Est-ce un nouvel opium de peuple qui permettrait de vivre dans monde injuste et atone ? Ce livre tente de donner des réponses à ces questions en analysant l'émergence des pratiques numériques et celle des imaginaires sous-jacents.
Si les biopolitiques consistent à faire entrer la vie humaine en politique, en classant et en hiérarchisant les populations, en agissant sur les formes de reproduction, c'est bien sur les corps qu'elles s'exercent, et en particulier les corps des femmes. Selon les époques et les lieux, le biopouvoir s'est pratiqué sous les formes étatiques, religieuses ou privées. Dans le cadre des empires coloniaux en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique, la mondialisation des biopolitiques a donné à l'appropriation et au contrôle des femmes une autre dimension. Les études de cas qui composent cet ouvrage tentent de l'éclairer.
Le contrôle du corps féminin s'est mondialisé avec l'accaparement des terres et des corps chez les peuples conquis des Amériques. L'accès immédiat au plaisir sexuel devint l'une des motivations premières de la prise de possession. Mais cette quasi-mise en esclavage avait pour objectif à plus long terme de capter la force de travail des vaincus et leurs capacités reproductives, afin d'assurer l'existence d'une main-d'oeuvre nécessaire et d'accroître les profits qu'il en était tiré, entraînant des conflits d'intérêts entre dominants et dominés. Cet ouvrage met en évidence divers fonctionnements de ce biopouvoir (administration coloniale, Églises, philanthropes, tenancières de maison close) et de leurs effets sociaux.
Face à l'oppression, les femmes ont néanmoins disposé de moyens de résistance : esclaves restant obstinément stériles ou supprimant leur enfant, prostituées essayant de s'enfuir des bordels, mères congolaises boudant les visites médicales pour nourrissons... Si elles n'ont pas changé la structure des rapports de genre, de classe ou de « race », ces résistances individuelles ont laissé entrevoir une conscience qui ne manquera pas, par la suite, d'en modifier la forme.
Martine Spensky est professeure émérite à l'Université Blaise Pascal de Clermont- Ferrand.
Ont également contribué à cet ouvrage : Paola Domingo, Arlette Gautier, Claude Grimmer, Amandine Lauro, Valérie Piette, David Richardson, Judith Spicksley, Christelle Taraud, Violaine Tisseau.
Cet ouvrage, qui mêle portraits littéraires et portraits photographiques, retrace les trajectoires de vingt femmes d'origine africaine établies en Belgique. Celles-ci témoignent des difficultés partagées, mais surtout de leurs parcours de réussite et de reconnaissance sociale. Brillantes et engagées dans les milieux culturel, politique et associatif, elles apportent un autre regard sur les questions migratoires et la situation des femmes en particulier. Si les problèmes de racisme et de discriminations sont bien réels, si le chemin paraît encore long et tortueux, les luttes individuelles ou collectives finissent par payer. Sans angélisme, mais sans défaitisme non plus, le message que ces femmes adressent, notamment aux jeunes générations, est celui des possibles.
Jacinthe Mazzocchetti est professeur à l'Université catholique de Louvain, anthropologue et membre du Laboratoire de recherche en anthropologie prospective (LAAP). Elle est également écrivain et membre de la Table d'écriture littéraire de Marche-en-Famenne. Parmi ses dernières publications, la direction de l'ouvrage Migrations subsahariennes et condition noire en Belgique (Academia, 2014) et le recueil de nouvelles La vie par effraction (Quadrature, 2014).
Marie-Pierre Nyatanyi Biyiha est experte et responsable de l'asbl Djaili Mbock. Belge d'origine rwandaise, titulaire d'une licence en sciences politiques et relations internationales ainsi que d'une licence spéciale en droit international obtenues à l'Université libre de Bruxelles, elle est engagée dans la lutte pour les droits de la femme depuis sa jeunesse, avec une attention particulière portée à la femme migrante, à son processus d'intégration socioprofessionnelle et à son apport dans la société d'accueil.
Véronique Vercheval a commencé sa carrière de photojournaliste pour le magazine Voyelles. Elle a mené des enquêtes de type documentaire et sociologique, notamment pour les projets des « Archives de Wallonie ». Elle a photographié les sidérurgistes, les verriers, les mineurs, les agriculteurs, les transporteurs routiers, les infirmières, les médecins ... On connaît également ses reportages en Palestine. Elle enseigne la photographie à l'Institut des Arts et Métiers de La Louvière.
En 2000, la production marocaine de livres atteint en un an l'équivalent de ce qui a été publié auparavant en près d'un siècle. Ce dynamisme atteste d'un secteur en mutation, reflet d'une libéralisation politique commencée au milieu des années 1990, qui est allée de pair avec une transformation sociale et culturelle. À partir d'une enquête ethnographique sur les pratiques du livre, de la lecture et de l'écriture, Anouk Cohen analyse cette effervescence toujours en cours. Elle décrit divers aspects de l'édition : de la lecture et du lecteur au processus de fabrication du livre, en passant par les enjeux de publication, les lieux et les réseaux, dans le but de cerner les logiques à l'oeuvre dans les modes de transformation complexes au terme desquels un livre advient effectivement.
Le monde du livre marocain est jeune, urbain et partagé entre les secteurs arabophone et francophone, qui présentent chacun leur propre fonctionnement, leurs propres acteurs et leurs propres objets, soumis à des pratiques et à des valeurs spécifiques. Anouk Cohen met en évidence les enjeux stratégiques, y compris politiques, de l'utilisation de l'une ou l'autre langue compte tenu du rapport à la norme que chacune implique. Elle montre cependant que des rapprochements s'opèrent ces dernières années dans le cadre d'un processus d'individualisation des pratiques de lecture et d'écriture avec l'émergence d'une littérature plus personnelle et proprement marocaine. Cet ouvrage analyse ainsi ce que signifie « lire », « éditer » et « écrire » dans le Maroc actuel.
Rien de tel que le scalpel de l'observation ethnographique pour renouveler les questions parfois les plus rebattues comme celles soulevées par la relation des Kanak à l'enseignement venu de France. Le regard rapproché de Pierre Clanché nous y engage en restituant des faits, sans concession aux idéologies auxquelles ce sujet ouvre en général des boulevards de bons (ou de mauvais) sentiments.
Pierre Clanché a partagé par intermittence mais dans la longue durée (entre 1994 et 2007) le quotidien d'un couple d'instituteurs kanak, de leurs enfants et aussi d'une partie de leurs élèves. L'enjeu scientifique de cette démarche est de comparer les modes de transmission habituels au sein de l'espace social kanak avec ceux mis en oeuvre dans leurs classes (de la maternelle au CM2) par des enseignants kanak. Ces derniers se doivent en effet d'inculquer le programme scolaire français à des enfants majoritairement originaires du même village et parlant la même langue océanienne qu'eux (le paicî).
En se tenant concrètement à la croisée de deux exigences, celle des savoirs et savoir-faire qui façonnent les hommes et les femmes kanak dans leur espace de résidence et celle qu'impose l'Éducation nationale française depuis Jules Ferry, Pierre Clanché nous plonge dans une réalité sociale, éducative et politique déconcertante, parfois sidérante même, en tout cas méconnue des spécialistes des problèmes de l'enseignement en Nouvelle-Calédonie.
Pourquoi une famille aussi fluctuante, pour ne pas dire évanescente, voire même insaisissable, que la famille capverdienne pourrait-elle être considérée comme particulièrement bien adaptée aux conditions de ce début de vingt et unième siècle ? Bien avant l'apparition d'Internet, depuis près de cent cinquante ans, confrontée à la migration, cette société insulaire a su apprivoiser la distance qui sépare durablement les membres d'une famille. Animés d'une énergie contagieuse, ils inventeront progressivement la « famille à distance ». Étrange famille où le mariage semble avoir disparu, où les femmes élèvent seules leurs enfants, où des couples vivent longuement séparés et où des enfants sont confiés à des nourrices ! Pourtant un enjeu majeur relie les membres de ces familles : celui de se transmettre le « capital migratoire » considéré comme un bien précieux. À de rares occasions, vacances, mariages ou funérailles, les membres dispersés de la « famille à distance » se rassemblent. Vécus intensément, ces moments éphémères suscitent les échanges. La famille refait corps : elle se réajuste et transmet des histoires. Les selfies se chargeront ensuite d'en prolonger la mémoire.
Treize ans et vingt-sept voyages au Cap-Vert et dans la région de Boston aux États-Unis où résident deux cent soixante mille Américains capverdiens furent nécessaires pour reconstituer l'histoire de ces « familles à distance » sur plusieurs générations. Amours pragmatiques résulte d'une expérience humaine acquise d'une vie partagée avec ces familles. Par des récits détaillés, étayés et parfois poignants, l'auteur invite le lecteur à comprendre les fondements de la société capverdienne et au-delà, il l'introduit à des manières contemporaines de vivre la famille.
En filigrane, et en dialogue avec l'anthropologie de la parenté, l'ouvrage interroge à nouveau frais l'énigme que constitue la famille matrifocale. La société capverdienne est alors décrite comme le fruit d'une histoire qui a institué une société à « alliances confinées et à visites ».
Salade de papaye ou pizza ? Les Laotiens peuvent désormais choisir parmi une offre variée de mets « traditionnels » ou internationaux, à condition toutefois d'habiter en ville et de disposer de revenus suffisants. Ils entrent de plain-pied dans une société de consommation globalisée. En plein essor économique, le Laos vit une période charnière, en ce début du XXIe siècle. Les évolutions des modes de vie, de l'agriculture, du commerce et de la distribution, ou encore des médias et des réseaux sociaux, entraînent des changements alimentaires, tant sur le plan des pratiques que sur celui des représentations.
L'analyse des modalités, des causes et des conséquences de ces transformations met en lumière l'importance de facteurs économiques, sociaux et culturels. Elle fait ressortir les spécificités du Laos, mais aussi ses points communs avec les autres pays qui connaissent ces mutations alimentaires.
Pour cela, l'auteure mobilise la notion de « transition alimentaire », comme cadre conceptuel pour analyser les changements alimentaires de la population laotienne, mais s'en affranchit aussi pour effectuer une observation plus fine de l'alimentation dans toutes ses dimensions, à l'échelle des familles comme des individus. Elle aborde les questions de la diversification alimentaire, de l'occidentalisation de l'alimentation, du lien entre le local et le global, de la résilience et de l'adaptation.
L'ouvrage s'intéresse à tous les maillons de la chaîne alimentaire, de la production agricole à la consommation, en passant par le commerce et la restauration hors foyer. Il explore les représentations de l'alimentation dans l'éducation, dans le système de santé, dans les projets de développement. Par une approche d'ensemble des évolutions de la vie quotidienne en milieu urbain, il appréhende les changements alimentaires dans leur interaction avec les autres mutations de la société.
Cet ouvrage rassemble des travaux qui analysent et décrivent ce qui arrive aujourd'hui aux frontières physiques de ces pays dont la proximité aux centres mondiaux du capitalisme réinvente le statut. De bords oubliés du monde, ces frontières désormais plantées sous les projecteurs des médias sont régulièrement montrées du doigt pour leur caractère crucial par les discours politiques. Mexique-USA, Maroc-Europe, ces lieux frontières sont devenus centraux, par la conjonction d'un double processus à bien des égards paradoxal. Car d'un côté, avec le renforcement d'un ensemble de dispositifs de fermeture et de contrôle du passage et du franchissement, ces frontières se veulent mises en scène d'un processus de dramatisation et de criminalisation des parcours migratoires « subalternes », tandis que d'un autre côté, l'installation de lieux de production fait de la frontière l'un de ces « ateliers » industriels où se réinvente silencieusement une part cachée des cadres économiques et sociaux du capitalisme mondialisé. Confrontation qui se résume en un paradoxe, lorsque la frontière est « zone franche » infranchissable.
C'est donc tout l'intérêt de cet ouvrage que de rassembler dans une mise en perspective comparative des lieux très éloignés, du Mexique au Moyen-Orient en passant par le Maroc, qui ont en commun d'avoir vu leurs frontières devenir des laboratoires de la modernité, mais aussi de mettre en résonance deux champs de recherche qui se rencontrent peu, celui de la sociologie des nouvelles dynamiques migratoires et celui de la sociologie des nouveaux mondes industriels. Cet ouvrage veut d'abord mettre en évidence, décrire et exposer depuis l'intérieur des situations de travail et de circulation, ce qui se trame et s'organise dans les univers d'ordinaire peu exposés des zones frontalières de travail et de passage.
Metka Zupancic a réalisé une série d'essais sur dix femmes francophones, qui vivent entre le Québec, l'Ontario, la Belgique, la Tunisie et la France. Elle y adopte une orientation critique qui se nourrit du mythe orphique et de ses avatars, tels qu'on peut les trouver dans leurs oeuvres - où le démembrement se voit remplacé par ce qu'elle appelle le remembrement (terme qui fait référence à la reconstitution de terrains agricoles à partir de parcelles dispersées).
Ces écrivaines, avançant en écriture et en maturité, ressentent la nécessité de modifier les rapports avec les femmes tels qu'ils avaient été promus par les féministes des années 1970. Le contact de la fille avec la mère, enviable et détestable, prison et liberté, lien et rupture ; le réseau à former, dans lequel il s'agit d'établir sa propre individualité pour ensuite revenir au groupe et à la communion nécessaire : voici quelques-unes des questions qu'elles posent.
La littérature est le moyen d'évoquer la généalogie, la démultiplication du féminin, l'altérité et l'identité, la variété et la ressemblance. Dans ce mouvement sans fin, le remembrement des aspects éclatés du corps symbolique féminin reste le centre nécessairement multiple d'où part la réflexion.
Metka Zupancic ne craint pas de laisser paraître sa propre subjectivité dans ce texte très personnel, allant jusqu'à évoquer la mort de sa propre mère. Cette complète implication de l'auteure dans son texte, combinée à une approche analytique nourrie d'une grande connaissance de la mythologie classique, en fait la principale originalité.
Metka Zupancic, originaire de Slovénie, est Professor of French / Modern Languages et French Program Director à l'Université d'Alabama (Tuscaloosa, États-Unis). Elle a publié en 2001 un livre sur Claude Simon et en 2007 une monographie sur Hélène Cixous. Chevalier dans l'Ordre des Palmes académiques, c'est une francophone passionnée.
Depuis les années 1990, l'identité migratoire du Maghreb se modifie et se complexifie. A sa fonction traditionnelle d'espace d'émigration s'ajoutent désormais celle d'espace d'immigration et, emboîtée à celle-ci, la fonction de terre de transit vers l'Europe. Le Maghreb devient ainsi un espace migratoire multifonctionnel qui démultiplie les modalités de sa mise en connexion avec le monde. L'immigration subsaharienne y est désormais un fait sociétal et spatial, majeur et inédit. Cette nouvelle réalité sociétale qui émerge au Maghreb entraîne un repositionnement géopolitique de ses pays. Interroger cette nouvelle réalité et ses significations, tel est l'objectif de cet ouvrage. Si cette immigration a commencé par concerner les régions sahariennes, où elle continue à être fortement présente, elle se diffuse aujourd'hui jusqu'aux métropoles littorales du nord du Maghreb, dont elle alimente les économies et marque les territorialités. Enfin, en se greffant sur une circulation euro-maghrébine qu'ils amplifient, les migrants subsahariens tentent désormais, pour une part, d'atteindre l'Europe, même s'ils n'y aboutissent pas souvent. Au-delà de son importance quantitative, le phénomène de l'immigration subsaharienne au Maghreb modifie substantiellement les problématiques sociétales et spatiales dans ces terres traditionnelles d'émigration. Il représente une nouvelle donne qui interagit fortement avec les sociétés du Maghreb et contribue à en précipiter les évolutions : une plus forte jonction avec l'Afrique noire, une réintroduction du cosmopolitisme et la reformulation de la question de l'altérité avec l'irruption d'un nouvel " autre " : l'immigré. L'immigration subsaharienne constitue ainsi un outil d'interrogation et d'analyse des mutations de l'espace maghrébin et des modalités de son insertion dans le processus de mondialisation, notamment de sa projection comme " cordon sanitaire " de l'Europe.
Peu d'études ont été réalisées à ce jour sur la maltraitance des enfants à Madagascar. Tout se passe comme si elle n'existait que dans le silence, à l'abri des regards, et qu'il était difficile, voire malvenu, d'en parler. Pour permettre d'en débattre, cet ouvrage présente ce que l'on peut connaître actuellement de la réalité de la violence, de ses effets et surtout de ses causes multiples.
La préoccupation de « protéger » l'enfant résulte d'abord de l'effort de l'État malgache pour mettre en oeuvre la Convention des droits de l'enfant signée par lui en 1991. Une multitude de textes officiels en témoignent. Mais plus intéressante est la mutation silencieuse qui commence à apparaître. Attendu traditionnellement avec impatience pour perpétuer le nom, apporter sa contribution à la survie économique de la famille et assurer la continuité du culte des ancêtres, l'enfant commence à mobiliser les acteurs. L'enfant roi, l'enfant désiré, choisi, précieux, mais aussi l'enfant au travail, l'enfant domestique, victime, rejeté, coexistent dans la Grande Île. Contribuer à construire une vision collective nouvelle de l'enfant, propre à la société malgache et qui soit en rupture avec la vision traditionnelle, constitue une autre ambition de ce livre.
Fondé sur vingt ans d'expériences de l'auteure dans le domaine social et sur des échanges avec des professionnels et des parents, l'ouvrage fait apparaître la complexité entre les traditions coutumières propres à la culture malgache (mariage précoce, rejet des jumeaux...) et les exigences relatives aux droits de l'enfant.
Assistante sociale et chercheure, Olga Noelivao Phan Van Hien, fcm, est docteur en Sciences de l'éducation de Paris-Est. Elle est l'initiatrice du premier Institut supérieur de travail social à Madagascar. La question sur le bien-être de l'enfant a toujours été au centre de sa réflexion et de son action.
Les temporalités constituent une entrée courante de l'approche des migrations internationales, tout en n'en demeurant bien souvent qu'une dimension implicite, voire impensée. Dans leur pluralité, les rythmes temporels scandent pourtant les transformations sociales à des échelles variables, et les historiens ne sont pas les seuls à pouvoir les intégrer à leur réflexion. À bien des égards, sociologues, géographes, anthropologues, et plus généralement l'ensemble des chercheurs en sciences sociales, incluent les temporalités dans leurs analyses des migrations et de leurs territoires. Pour en rendre compte, cet ouvrage propose d'observer des trajectoires collectives ou individuelles de migrants en Méditerranée, à différentes époques, en soulignant les jeux de temporalités dans lesquelles elles se déploient : celles des projets, de leur mise en oeuvre, des voyages et des traversées, des installations, des nostalgies et des retours réels ou fantasmés, des circulations et des visites familiales...
Les commémorations de la Première Guerre mondiale ont réveillé l'intérêt pour des pans négligés de l'histoire du XXe siècle. C'est ainsi que l'Allemagne missionnaire entre 1914 et 1939 a été redécouverte, comme cet ouvrage en témoigne. L'empire colonial allemand détruit, les missionnaires allemands qui y étaient installés durent céder la place à d'autres. Globalement, les deux tiers du personnel furent «éloignés». Mais l'effondrement des missions allemandes facilita l'émergence d'Églises autochtones enracinées dans leurs terroirs et leurs cultures. Ces communautés locales gardent non seulement le souvenir mais encore les héritages matériels et spirituels des missions allemandes. En passant par de profondes réorganisations, les relations internationales entre Églises du Sud et Églises allemandes se sont maintenues.
Quelques exemples sont étudiés ici par des universitaires du Togo, du Cameroun et du Congo. Des chercheurs européens apportent un complément pour le Rwanda-Burundi, l'Afrique de l'Est, la Papouasie Nouvelle-Guinée, la Chine ainsi que l'Australie. Un épilogue synthétique démontre la résilience des missions et des sciences missionnaires allemandes.
Les textes de cet ouvrage interrogent la problématique de la migration au Maghreb et dans certains pays européens en mettant en exergue les expériences de vie et les rapports dialectiques entre les pouvoirs et les sociétés des pays de départ, de transit et d'arrivée. Les auteurs ont développé des réflexions conceptuelles et exploité des corpus variés, présentant ainsi des exercices méthodologiques diversifiés, résultat d'une approche pluridisciplinaire.
Qu'elle soit individuelle ou collective, la migration est soumise à des formes d'encadrement et de régulation. Le contact avec l'Autre en contexte migratoire favorise la dynamique d'interculturalité et incite les individus à questionner leur identité et à la recomposer. L'attachement à la culture d'origine, l'intégration et l'assimilation sont les principaux vecteurs d'une réflexion qui implique aussi bien les indigènes que les allogènes. C'est dans ce cheminement d'idées que les questions inhérentes au vivre ensemble, à la dignité, aux valeurs démocratiques et à la solidarité humaine ont été soulevées.
Trois axes principaux structurent le présent ouvrage : contrôle des flux, accueil et surveillance des migrants ; quête identitaire, sociabilité et transferts culturels ; représentation de l'Autre et de soi.
Riadh Ben Khalifa est maître-assistant en histoire contemporaine à l'Université de Tunis. Ses travaux portent principalement sur la migration méditerranéenne. Il consacre également une part de ses recherches à la diplomatie tunisienne et à la décolonisation. En plus de nombreux articles scientifiques, il a publié un ouvrage intitulé : Délinquance en temps de crise dans les Alpes-Maritimes : 1938-1944 (Chez Honoré Champion en 2015) et les Actes du colloque : Le vivre ensemble en Libye et dans d'autres espaces géographiques (Publications de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis-2016) [en arabe].
Ont contribué à cet ouvrage : Beya Abidi, Olfa Ben Achour, Riadh Ben Khalifa, Ali Bensaâd, Anne Dulphy, Nisrine Eba Nguema, Sonia Gsir, Smail Kouttroub, Stéphane Kronenberger, Abdelkrim Mejri, Elsa Mescoli, Mustapha Nasraoui, Ralph Schor, Daniela Trucco et Nadhem Yousfi.
La maltraitance et l'infanticide des jeunes enfants n'ont cessé d'interroger l'humanité. Toutes les époques ont apporté des réponses, tant sur l'origine que sur le mode de traitement. Aujourd'hui ce phénomène touche tous les milieux sociaux, devenant ainsi un véritable problème de santé publique en France.
Cet ouvrage restitue les travaux de praticiens psychologues thérapeutes, de psychanalystes, d'éducateurs anthropologues et d'enseignants-chercheurs, autour de la question du sens du passage à l'acte du parent maltraitant comme un acte manqué qui s'adresse à un autre (Autre/Loi sociale), pour être entendu comme une expression d'un fantasme d'infanticide actif qu'il agit sur son enfant à travers la maltraitance.
Liés par ce fantasme, l'enfant maltraité et son parent maltraitant doivent être pris en charge dans leur souffrance, afin que soient dissociées les deux histoires et restaurée la différence des générations se trouvant entravée par un télescopage des deux temps, le passé et le présent. Dans la mesure où l'inconscient ignore le temps, cette confusion peut s'affirmer comme une vérité pour le parent, provoquant la répétition et entraînant l'enfant à réagir, ultérieurement, de façon identique.
Cet ouvrage ouvre la perspective d'une profonde réflexion sur les dispositifs d'accompagnement des enfants maltraités et de leurs parents dans le domaine de la protection de l'enfance, ainsi que sur une politique de prévention à travers la formation des professionnels et la sensibilisation des parents.
Depuis le soulèvement populaire de 2011 en Égypte, la problématique du genre a émergé sous différentes formes dans le cadre des mouvements protestataires - révolutionnaires, réactionnaires - et, plus largement, en lien avec les transformations sociales accompagnant ces vagues de mobilisation.
Alors que les relations entre les citoyens et les autorités étatiques ont été contestées, modifiées, puis repoussées dans une direction réactionnaire, comment les relations de genre ont-elles été mises en cause depuis 2011? Quels nouveaux imaginaires, nouveaux rôles et nouvelles identités ont été revendiqués? Et quelles mobilisations se sont construites face à la multiplication des violences sexistes dans l'espace public?
Des chercheuses, des expertes, des activistes proposent ici un éventail de regards scientifiques et analytiques sur ces luttes et ces mutations, sur l'expérience gagnée et le terrain perdu. À partir d'enquêtes de terrain approfondies, elles présentent des témoignages militants sur ces objets de recherche sensibles et parfois éphémères.
Durant la première décennie du XXe siècle, l'Église catholique a été secouée par une des crises majeures de son histoire, la « crise moderniste », née de l'attitude intransigeante adoptée par Rome, après la Révolution française, vis-à-vis de la modernité culturelle et politique. Durant les dernières années du XIX siècle, principalement en France, des laïcs et des prêtres, inquiets de l'écart grandissant entre les positions traditionnelles de la théologie et les avancées des différentes sciences, ont tenté de faire admettre par le magistère romain l'urgence d'une réforme afin d'assurer l'avenir de l'Église en modifiant son regard sur le monde moderne.
Un évêque, Mgr Mignot, fut l'un des plus actifs, parmi les clercs, à tenter de faire comprendre au Saint-Siège qu'il fallait laisser le champ libre à la recherche et prendre en compte l'évolution des mentalités. Un autre prêtre, l'abbé Lucien Lacroix, fonda la Revue du clergé français pour mettre au service du clergé un outil d'information et de formation adapté à un apostolat en phase avec les aspirations du monde moderne. À Lyon, un groupe de catholiques libéraux et progressistes soutint l'hebdomadaire Demain fondé par un laïc, Pierre Jay, pour faire évoluer les mentalités catholiques hors du modèle intransigeant.
Ces efforts furent condamnés par Pie X en septembre 1907, dans l'encyclique Pascendi dominici gregis, comme étant le « carrefour de toutes les hérésies ». Il s'ensuivit un climat délétère dans l'Église avec son lot de sanctions, de dénonciations. Surtout le soupçon de modernisme a pesé tout au long du XXe siècle sur toute initiative intellectuelle originale.
Reprenant 13 articles parus dans différentes publications, ce livre offre un panorama original sur ce moment crucial de l'histoire récente de l'Église.
Les recherches sur les migrations offrent désormais un panorama détaillé de la diversité des expériences de déplacement. Les flux des pays du Nord vers ceux du Sud occupent toutefois une place relativement négligeable dans ce tableau d'ensemble. Ils peinent à constituer un objet de recherche unifié alors même qu'ils prennent de plus en plus d'ampleur.
S'appuyant sur des travaux empiriques, cet ouvrage invite le lecteur à observer sans a priori des modes de vie et des modes d'engagement trop souvent réduits à l'expatriation, au privilège, au tourisme ou encore au retour. Son parti pris est de faire des figures, des pratiques et des modes d'installation des individus qui empruntent le chemin des Nords vers les Suds un objet de recherche légitime au sein de la socio-anthropologie des migrations.
S'intéressant aussi bien aux projets individuels qu'aux logiques structurelles qui les accompagnent, et parfois les contraignent, ce livre ouvre un chantier de recherche ambitieux et jusqu'à présent inédit. Les auteurs réunis ici explorent un ensemble de trajectoires et de phénomènes sociaux dont les dynamiques multiples participent à redéfinir les relations entre sociétés nationales. Ils nous invitent ainsi plus largement à interroger nos représentations du Nord et du Sud.
Ont contribué à cet ouvrage : Ève Bantman-Masum, Clio Chaveneau, Anna Chruscinska, Chantal Crenn, Giulia Fabbiano, Farhad Khosrokhavar, Brenda Le Bigot, Amélie Le Renard, Frédérique Louveau, Jean-Baptiste Meyer, Pamela Millet-Mouity, Aziz Nafa, Michel Peraldi, Patrick Perez, Alexandra Poli, Liza Terrazzoni, Simeng Wang.
L'allongement de la durée de vie et le vieillissement de la population peuvent être considérés comme un « moteur » essentiel des changements en cours dans les pays méditerranéens. Les enjeux sociétaux du « problème du vieillissement » concernent à la fois l'équilibre des générations en présence et de leurs relations mutuelles, le rôle et le statut d'entraide des hommes et des femmes au sein de la parenté, ainsi que la répartition des engagements entre solidarités privées et politiques publiques, dans un contexte historique contemporain dominé par la référence quasi permanente à la situation de crise socio-économique des États-nations.
Face au vieillissement accéléré que connaissent les sociétés méditerranéennes, cet ouvrage permet de comprendre comment la transformation des modes de vie correspond aux politiques des âges de la vie mises en place par les différents pays, mais aussi aux traits culturels communs à ces derniers. Les analyses proposées invitent à penser le vieillissement à la fois comme une réalité statistique en construction, irréductible à la somme des monographies nationales, mais aussi comme un processus social qui interroge la place de chaque individu dans la société.